L’appui qui s’efface, et le cheville qui se tord violemment… jusqu’à faire chuter ! L’entorse, c’est la plupart du temps un accident inévitable. Mais on peut faire en sorte de renforcer la cheville, de s’habituer à donner un maximum d’information au pied et donc de réduire ce risque !
En tout cas, c’est presque un accident « banal » dans le trail et la course à pied, mais il ne faut surtout pas le prendre à la légère et bien réagir : c’est essentiel pour récupérer au plus vite et surtout ne pas garder une fragilité dans le temps.
Conseils, soins, explications : Emeline Oudet, kinésithérapeute et traileuse, nous explique tout !
– Bonjour Emeline ! L’entorse de la cheville, c’est du classique chez les traileurs. Les sols sont instables et irréguliers… Peut-on s’en prémunir, se renforcer pour éviter ça, et comment ?
Bonjour Run in Pyrénées !
Malheureusement, l’entorse de cheville est bel et bien une des blessures « classiques » du traileur. La technicité du terrain est facteur de risque des entorses de cheville. Bien-sûr, nous pouvons nous en prémunir, la prévention est possible et je dirais même qu’elle doit faire partie intégrante de l’entraînement, encore une fois ! Les moyens qui peuvent être mis en place avec un kinésithérapeute ou même avec un préparateur physique sont le renforcement des muscles stabilisateurs de la cheville et la proprioception. La technique de course est aussi à corriger parfois, car une attaque talon favorise l’entorse de cheville. Quand le talon touche le sol en premier, c’est l’arrière pied qui se tord, le ligament latéral externe est alors étiré. Lors d’une pose de l’avant pied, une torsion peut se produire mais le ligament n’est pas nécessairement étiré puisque d’autres structures permettent cette torsion, par la mobilité particulièrement importante de l’avant pied contrairement à l’arrière du pied.
– Quelques fois, malgré tout, on ne peut éviter que ça arrive. Que se passe-t-il concrètement dans la cheville / dans le pied lors d’une entorse classique ? Quels sont les cas les plus graves ?
L’articulation de la cheville se stabilise grâce à un système ligamentaire et musculaire. Une entorse est l’étirement excessif d’un ou des ligaments de la cheville lors d’un traumatisme. Ce mouvement de torsion de la cheville lors d’un traumatisme peut être dû au sol instable ou lors d’un choc/contact d’une tierce personne (plus fréquent dans les sports de contact : rugby, basket, foot…).
Les cas d’entorse les plus fréquentes sont les entorses du ligament latéral externe, qui comporte lui même 3 faisceaux (antérieur, moyen, postérieur).
Les critères de gravité sont évalués en fonction de l’atteinte ou non d’un ou de plusieurs faisceaux, d’une fracture (arrachement osseux de l’insertion du ligament) et/ou élongation musculaire associés.
« Contrairement aux idées reçues, vous pouvez commencer la rééducation très rapidement, dès les premiers jours après l’entorse ».
– Lors d’une entorse, que faut-il faire dans les premières heures, et par la suite, pour se « remettre sur pied » ?
Lors d’une entorse, il faut penser au mot « RICE » : Rest, Ice, Compression, Elevation = Repos, Froid, Compression, Elevation.
1/ Repos : ça peut paraître évident mais je lis parfois les récits de coureurs qui ont continué leur course malgré une entorse à un certain point du parcours. C’est une grosse erreur, car vous pouvez compromettre toute une saison et bien plus encore en fonction de la période à laquelle cela vous arrive…

Je m’explique : une fois que le ligament latéral externe est étiré, si vous pouvez continuer à courir malgré la douleur, l’étirement du ligament peut s’accentuer. D’autre part, il n’existe plus de système de stabilité passive (ligamentaire), donc le ligament, au prochain mouvement de torsion, peut alors se dés-insérer, c’est à dire que vous pouvez vous retrouver avec une fracture associée (arrachement osseux). La période de convalescence, au lieu de 10-15 jours, s’allongera à 2-3 mois voir plus avant d’être remis sur pied…
2/ Froid : Glacer 15-20mn, à répéter ensuite 3 fois par jour jusqu’à ce que l’Oedème diminue.
3/ Compression : Bas de contention/compression sont les bienvenus. Si vous êtes soignés directement sur place par un médecin ou un kinésithérapeute, celui-ci pourra effectuer un bandage compressif. Attention à ne pas compromettre la circulation sanguine, si les orteils deviennent bleus, desserrez le bandage.
4/ Elevation : Mettre le pied en « déclive », c’est à dire au dessus du cœur. L’idéal est la position allongée, si vous êtes assis, gardez le pied en hauteur, sur une chaise en face par exemple, cela évitera à l’œdème de se propager davantage.
Il ne faut pas tarder pour consulter votre médecin, passer éventuellement des examens et prendre RDV chez un kinésithérapeute, une ordonnance pour porter une attelle vous sera délivrée, en fonction de la gravité, le temps de port de l’attelle pourra varier.
Contrairement aux idées reçues, vous pouvez commencer la rééducation très rapidement, dès les premiers jours après l’entorse. Après un bilan, votre kinésithérapeute s’occupera de drainer l’œdème, diminuer la douleur, ré-harmoniser les articulations du pied, de la cheville et le membre inférieur/bassin. La rééducation se poursuivra ensuite par des exercices actifs dont du renforcement du système musculaire spécifique de la cheville et beaucoup de proprioception. Un renforcement plus global pourra être effectué. La rééducation se terminera par une reprise progressive de la course à pied vers un retour à la compétition ou aux activités pour les non compétiteurs.
– Conseilles-tu de courir avec une chevillère ou un strap pour pallier à une fragilité ou à un terrain dit « très technique » ?
Très franchement, je ne suis pas pour les systèmes de maintien passif. Sauf si celui-ci est provisoire dans le cadre d’une reprise post blessure. Mais la chevillère ou strap ne doit en aucun cas être le soutien sur toutes les courses qui s’avèrent être techniques, ou sur une cheville instable.
A mon sens, une cheville instable doit être rééduquée ou avoir un avis chirurgical dans les cas les plus graves. Le kinésithérapeute et/ou le medecin seront à même d’autoriser la course à pied au temps voulu. Si la cheville ne répond pas à des critères de stabilité nécessaire, le coureur ne peut pas prendre le risque de faire une course ou une sortie.
Pour en revenir à la chevillère, certaines ne maintiennent pas la cheville. Elles ont plus un effet de maintien psychologique mais n’ont pas de réel maintien. Je m’explique, un strap bien posé, empêche la cheville de partir dans le sens de l’entorse. Il a un réel maintien mécanique. Si la chevillère est souple sans soutien supplémentaire, et n’empêche pas de partir la cheville dans le sens de l’entorse (inversion), si la cheville est vraiment instable, elle pourra quand même se tordre malgré le « soutien ». Bref, dans le cadre d’une reprise il vaut mieux un bon strap, une chevillère adaptée ou une cheville stable (rééduquée) !
