Stop au délire de l’évolution des paires de running !

C’est un vrai coup de gueule adressé aux concepteurs des marques de running. Un parti pris qui concerne mon propre avis, bien que nous serons quelques-un(e)s, sans doute, à se ranger derrière cela.

Vous le savez, on propose des tests produits sur Run in Pyrénées. A bientôt 38 ans, j’ai plus de 30 ans de course à pied derrière moi, je cours sur tous les terrains, j’ai été vendeur running généraliste et spécialisé, et les chaussures de course à pied m’ont toujours intéressées.

Cela m’agace très sérieusement de constater que la grande majorité des paires de running actuelles prennent des millimètres d’épaisseur et des formes toujours plus dingues et toujours moins proches du « naturel ».

Minimalisme, maximalisme, et plaque carbone

La conception des paires de running a toujours été tiraillée entre la science et le marketing. Aux alentours de 2010, la vague du minimalisme a fait un bien fou : les chaussures se sont allégées, ont baissé de hauteur et de drop. Tout ce qu’il fallait pour tendre vers un produit efficace et un respect du corps. La limite était de ne pas tomber dans le délire du changement radical : passer d’une chaussure lourde – amortie – avec du talon,… à quasiment rien sous le pied, en pensant que ça allait résoudre les problèmes physiques. On sait que tout changement doit être progressif et motivé, avec le recul nécessaire sur les effets encourus. Voir notre article.

Pour ma part avec des maux de dos, je mettais des chaussures un peu trop lourdes et trop amorties en pensant qu’il me fallait cela pour mes douleurs. La transition fut progressive, paires par paires, pour apprécier enfin des poids modérés à légers, un drop de 4 mm idéal, et une hauteur de semelle pas trop éloignée du sol pour ressentir les informations qui en parviennent.

Ensuite, il y a eu notamment la marque Hoka qui a conservé globalement des drops peu importants, mais posé sur des hauteurs élevées, avec des semelles épaisses, et disons le, souvent molles. Quelques marques les ont imité car il y a eu une vraie adhésion d’une partie des coureurs. Mais cela restait globalement limité à quelques modèles.

Et puis il y a eu Nike et les plaques carbone depuis 2019 grosso modo. Attention, les plaques carbone existaient déjà depuis quasiment 20 ans ! C’était assez rare. L’appui marketing a fait son effet, Kipchoge et ses 2 h au marathon aussi. Plus les gens les ont essayées, plus l’efficacité remarquée a pris chez les pros, puis chez les amateurs. Et même si les prix sont hallucinants (entre 200 et 300 € la paire de running !), il fallait l’avoir ne serait-ce que pour « ne pas être désavatangé » par rapport à la concurrence. Même à petit niveau, on a voulu être au niveau de « sa » concurrence, et battre ses records à l’aide de la technologie. L’efficacité est semble-t-il réelle, peut être aussi grâce à un effet placébo, mais force est de constater tous ces records qui sont tombés ces trois dernières années… Bref.

Il faut se rappeler qu’un certain Sébastian Coe, ex champion olympique du 800 m (et athlète Nike…) président de World Athletics depuis 2015, a autorisé la norme officielle : ne pas dépasser 40 mm avec ces chaussures. Ça tombe bien, pile poil ce qu’il faut pour une semelle avec plaque carbone. Cela nécessite une grande épaisseur, des formes de semelles particulièrement incongrues, du moins éloignées d’une forme naturelle.

Exemple de la Kinvara 14 – Instagram Roadtotrailrun

Si encore on en était resté aux plaques carbone…

Libre à chacun d’utiliser le carbone, de consentir à dépenser une fortune pour, libre à d’autres de ne pas adhérer et de continuer avec des paires disons « classiques »…

Le problème actuel, c’est que cette épaisseur, nécessaire pour incorporer une plaque carbone et l’entourer de mousse, s’est propagée à une grande majorité de paires de running. Comment fait-on si cela ne nous convient ni moralement, ni physiquement ? Pourquoi ne pas laisser le choix au runner, qui ne l’a presque plus, de privilégier telle ou telle chaussure comme il l’entend ??

Dans les rayons des magasins, sur internet, le choix s’amincit de jour en jour. Même des paires à succès, comme une Boston, ont pris du poids et de la hauteur, pourquoi ? La dernière Kinvara, la 14 qui n’est pas encore sortie, prend 3 mm de hauteur, pour se retrouver à 31 mm à l’arrière (sans plaque…). Certainement pas un choix du runner… Non, car en fait, ce qu’il se passe, c’est que l’on est en train de faire gober à tout le monde qu’il nous faut de la technologie. On vend de la matière. On s’éloigne du fait que le pied, le corps humain, est la technologie la plus efficace. On nous met des béquilles pour nous assister, on est en train de rendre le corps bête, on le prive du ressenti, il faut du « plaisir factice ».

Et si on éduquait mieux le coureur en lui disant de se renforcer, de faire de la technique, de lui expliquer les notions de charge, de progressivité… Et si on laissait le corps évoluer, chacun avec ses caractéristiques, que la foulée soit jolie ou pas, tant qu’elle est efficace…?

Pourquoi mettre autant de matière sous le pied (sans plaque, pas dans un but d’efficacité pure) alors que plus on est haut, moins de ressenti on a. Plus la hauteur est importante en bout de segment (jambe) plus le bras de levier est important. Les nouvelles matières sont légères : et si on en mettait moins ? Ça le serait encore plus, on gagnerait sur la poussée, à sentir le sol. Plus c’est mou, plus les muscles stabilisateurs travaillent, plus le temps d’appui s’allonge, plus c’est néfaste pour l’efficacité. Un peu moins de hauteur, et on rajoute quelques grammes pour densifier la semelle. Inventer l’effet « rocker » (bascule de la semelle), faire dépasser la matière à l’arrière du talon… C’est du vent !

Il faut vraiment se remettre la tête à l’endroit, et ne pas gober tout ce que les concepteurs veulent vendre, alors qu’ils sont tout à fait capables de faire des produits bien équilibrés, précis, efficaces. Que les matières soient plus légères, plus solides, plus performantes, ok, mais n’inventons pas n’importe quoi en nous coupant de notre ressenti.

Vous pouvez bien sûr réagir, et débattre intelligemment. Merci !

ps : les chaussures de trail sont moins touchées, car hauteur + épaisseur + rigidité + poids : il y a rien de mieux pour se foutre en l’air sur les sentiers !

9 commentaires sur « Stop au délire de l’évolution des paires de running ! »

  1. ces pompes ont salope ce qui faisait la beauté de notre sport: sa simplicité, son minimalisme et surtout son équité. Nike a réussi a ruiné toute une discipline sportive. chapeau l’artiste

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  2. Je pense que l on doit laisser le choix du choix aux courreurs. Par contre contrairement à ce que l on essaye de nous faire croire dans un camp comme dans l autre. A l heure actuellement absolument aucune étude ne prouve que l on se blesse plus en minimaliste qu en maximaliste et inversement.
    Dixit dr chris Napier la priorité est de choisir une chaussure dans lequel on se sent bien.

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  3. Contrairement à l’époque minimaliste, ou il y avait plus de choix, tous les modèles n’étaient pas impactés. Les marques avaient créé des modèles spécifiques qui pour la plus part ont disparus.
    La j’ai impression que cette évolution impacte l’ensemble des modèles, les nouveaux comme les anciens. En tout cas c’est ce qu’il se passe chez Adidas.
    Qu’il y est des modèles de ce type, ça ne me dérange pas, il en faut pour tout le monde, mais dans ce cas, que les marques laissent le choix aux coureurs !

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  4. RUBEN BERTOS JE NE SAIS PLUS ACHETER DES CHAUSSURES JE TOURNE VIRE ET JE REPART SANS RIEN TROP DE MODELES ? DEPLUS ELLE NE TIENNENT PAS LONGTEMPS;

    HEUREUSEUSEMENT JE NE COURT PLUS VITE MATHIEU A RAISON JE NE SAIS OU ON VA AVEC LES FORMES BIZARRES .

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  5. Je partage totalement cette incompréhension et suis également en colère contre ces marques aux produits nauséabonds et ces « marchands de soupe » qui font comme si de rien n’était. Non seulement, nous n’avons pas le choix mais les adeptes de chaussures plus simples sont pris pour des personnes en marge.

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  6. Bonjour, je tombe un peu tardivement sur votre article qui m’a beaucoup intéressé. J’ai été heureux de le lire (si on peut dire). De mon côté, j’ai la trentaine passée et je cours depuis un peu plus de dix ans. je n’ai jamais eu aucun objectif, au contraire pour moi la course est un moment de bien-être, de liberté, voire d’expression. Pour ce qui nous intéresse ici, cela fait 4 ou 5 ans que je prends beaucoup moins de plaisir parce que je ne trouve plus de chaussures qui me correspondent (j’ai été quasi tout le temps sur NB et j’adorais). Quelle que soit la marque ou le modèle, celui-ci me donne exactement la même impression (de marcher sur une grosse limace) de lourdeur, et au contraire d’un « retour d’énergie », moi je reste au sol. Un autre truc qui me frappe, comme vous dire, c’est l’absence totale de sensation. J’ai vraiment l’impression de ne plus avancer. Si jamais vous avez un modèle ou une marque à me conseiller, je suis preneur. Merci pour votre article et pour votre site, que je découvre. Sportivement,

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    1. Merci pour votre commentaire !

      on en revient au principal problème : on ne nous laisse plus le choix …

      J’ai des problèmes à m’adapter au carbone qui accentue mes défauts, plutôt que de m’aider à propulser. Avec, comme vous, perte de repères et de sensations…

      Pour vous conseiller il faudrait voir avec quoi vous avez couru jusqu’à maintenant. Perso, je fais la plupart de mes sorties en Kinvara. Drop 4mm, léger, pas de modification de la dynamique. En compet c’est mes dernières saucony Fastwich ou Sinister (prises d’avance). En trail ça reste correct avec les Merrell Skyfire par exemple, ou Inov-8 Trail Fly Zero…

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