Réagir à l’actualité demande beaucoup de soin, qui n’est pas toujours pris sur les réseaux sociaux. Surtout quand cette actualité est malheureuse. Nous concernant (course à pied, trail) celle-ci est toujours immensément triste quand on apprend le décès d’un jeune homme qui redescendait le Mont-Blanc façon « trail ». Tout d’abord, permettons-nous d’envoyer une pensée à la famille touchée par ce drame.
L’enquête n’est pas encore terminée qu’il faut juger ou pas de l’imprudence de cette personne. Peut-être qu’il était parti trop léger mais qu’il serait rentré chez lui sans problèmes ? On ne sait pas. Un regard sur le paysage, sur la montre, un sursaut suite à un bruit, un coup de vent, un seul appui mal placé, 2s enfoui dans ses pensées… tant de choses que l’enquête ne pourra même pas révéler. Quelques fois, les choses arrivent fatalement. Combien de guides expérimentés, équipés, ou avertis se sont déjà tués en montagne ?
Alors deux traileurs de suite sur le Mont-Blanc (à quelques jours près), forcément, on crie à l’imprudence.C’est fort possible. N’oublions jamais que derrière le drame, il y a des familles. On incrimine volontiers Kilian Jornet, fin connaisseur du sommet (et capable aussi de grimper deux fois l’Everest en une semaine) de se mettre en scène en haute montagne et de faire penser que c’est accessible à tous, en short et chaussures de trail. C’est la critique venue du maire de Saint-Gervais qui a fait du bruit dans les médias à ce sujet, réagissant à l’occasion en imposant par un arrêté un matériel obligatoire aux personnes souhaitant aller sur cette montagne, dont l’accès par sa commune est un des principaux passages. Kilian Jornet est un sportif aux capacités incroyables, qui vit et se meut en montagne depuis toujours. Ses images partagées et ses vidéos sont tout à fait impressionnantes, voir dangereuses pour quiconque. Par contre, on ne l’a jamais entendu dire « faites-comme moi, partez sans contraintes, vous aussi vous pouvez le faire ». Entre ses images, vidéos et livres, c’est même le contraire qu’il rappelle bien souvent.

Son expertise, sa capacité, ses actes… ne sont pas à la portée de tout le monde. Et là il faut en appeler à la prise de conscience individuelle. Voir faire ne veut pas dire pouvoir faire. S’équiper n’autorise pas non plus à faire, et là se pose la question du matériel obligatoire (voir un texte explicatif d’un spécialiste réagissant à l’arrêté ICI) qui n’autorise pas, par ce biais, toutes les folies. Il faut être réaliste et avant tout bien se connaître. Beaucoup de traileurs ne sont pas aguerris pour se lancer sur certaines distances ni sur certains endroits en montagne. Le matériel des fabricants, bien que s’améliorant toujours, a permis a beaucoup de monde de se lancer dans cette activité passionnante qu’est le trail. Passionnante, tellement qu’on minimise le danger de la montagne et la force de la nature. Des erreurs qui, quelques fois, sont payées chèrement, jusqu’à la mort… peut-être. On ne souhaite à personne de vivre le drame d’un proche laissant sa vie ainsi.
Faire du trail permet de voir et de traverser des paysages somptueux. Mais il ne faut jamais oublier l’effort qui est requis pour se permettre ses belles choses. La prudence, ce n’est pas se priver de liberté, c’est se permettre de vivre sa passion dans les conditions nécessaires en milieu difficile. La prudence, c’est être conscient de son niveau sportif. La haute montagne ce n’est plus du trail dans certains cas, mais de l’alpinisme. Il faut bien différencier les deux.
Kilian Jornet est tout autant alpiniste que traileur. Il est quasiment unique en son genre et en aucun cas on ne peut chercher à l’imiter. N’oublions pas qu’il a vécu la peine immense de perdre un ami expert de la montagne, Stéphane Brosse. C’était sous ses yeux… Les images ne montrent jamais toutes les fois où il a dû renoncer.
Il faut prendre conscience de toutes ces choses qui nous incombent, mais aussi des moyens développés par les secours pour venir chercher des imprudents. Il faut penser à eux, risquant aussi leurs vies, et penser à vos proches qui attendent votre retour.
Une fois tout cela dit ici, resteront donc ces débats sur l’expérience du sportif, sur le matériel nécessaire / obligatoire, puis la liberté qui pousse à vivre des choses uniques… Chacun doit savoir ce qu’il fait et ce que cela implique autour de lui. Quelques fois, rien n’y fait et l’accident arrive…
Je condense ainsi un peu de réflexion personnelle et de la votre, entrevue ici ou là. Outre le fait que dernièrement l’actualité nous pousse à réfléchir, nos pensées vont aux familles de ces sportifs disparus.