Guillaume Beauxis : au rendez-vous de la Réunion

Guillaume Beauxis a réalisé une performance énorme, en octobre dernier, en terminant 3è du Grand Raid de la Réunion. Cet ultra-trail, de 164 km et quasiment 10 000 m+, est un des plus grands rendez-vous de l’année dans la discipline, un des plus durs aussi de par sa technicité et ses conditions climatiques. Les meilleurs l’ont gagné : François d’Haène, Kilian Jornet, Antoine Guillon… et les places sur le podium sont chères, car il faut en venir à bout et performer. Guillaume a réussi cela ! Un ticket qu’il avait gagné en 2016 pour avoir remporté le 160 km du GRP. Après avoir vibré pour son exploit, nous sommes allés discuter avec lui, pour voir ce qu’il en était, un mois après.

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Photo Team Hoka

Guillaume habite un village au pied du Hautacam dans les Hautes-Pyrénées, une montagne où les randonneurs, traileurs ou skieurs de fond s’en donnent à coeur joie. L’emplacement idéal pour lui, quand on aime la tranquillité, la nature et le goût de l’effort. Il reprend la direction de l’entraînement depuis quelques jours. Aujourd’hui, c’est fractionné en côte. Auparavant, on s’entretient un peu, histoire de revenir sur ce moment unique…

Depuis la France, avec le suivi sur les réseaux sociaux, la course a été haletante, jusqu’au dénouement, magnifique. On essaye de refaire la déroulement de la course avec lui.

« J’étais à la 10è place à Cilaos (65è km – 3400 m+). Après, je suis passé 9è. Je n’avais pas souffert encore, j’étais bien. C’est en passant dans le cirque de Mafate que ça a été compliqué. Il a fait très chaud, c’était étouffant. Mais je gardais ma place… »

Pendant ce temps-là, Jim Wamsley, du Team International Hoka, prend les commandes. On sait que l’américain, possédant des bases énormes sur le plat, a tendance à s’enflammer. Après son expérience difficile à l’UTMB, on demande à Guillaume s’il ne fait pas un peu n’importe quoi, à nouveau. 

« Oui, sans doute. Il faut être patient sur ces courses. Mais comme il a une importante base de vitesse, il doit peut-être s’ennuyer… Et là, il a encore fait une erreur. En plus, les descentes font très mal, il faut en garder. Quand il maîtrisera son effort, il remportera une grosse course, c’est sûr. En attendant… »

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Photo : Timothée Nalet / Peignée Verticale

On revient sur la course de Guillaume. Il nous avoue que plusieurs fois, il a pensé à abandonner. Par moments, la souffrance est difficile. Mais en repassant dans les pointages, aux ravitaillements, il repart.

Au 130è km (Sans Souci, cumul de 7600 m+) Wamsley s’arrête. Je passe 5è, mais je suis à deux doigts d’abandonner… Et puis, après, j’ai été bien à nouveau

« Max et Ludo (Cazajous et Pommeret) abandonnent. Pour moi, ça va encore, mais le risque existe. Au Maïdo, je suis 6è. Il y a une grosse descente. Musculairement, c’est très dur. Au 130è km (Sans Souci, cumul de 7600 m+) Wamsley s’arrête. Je passe 5è, mais je suis à deux doigts d’abandonner… Et puis, après, j’ai été bien à nouveau. J’ai creusé l’écart derrière moi, et j’ai repris 5 min en 5 km. 
Plus loin, il y a 10 bornes de montée. Je passe 4è. Au sommet, je double Diego Pazos le Suisse, puis j’accélère et je fais une grosse descente. Je met 30 min pour la faire, ça a dû être la plus rapide. Par exemple, la dernière fois que François d’Haène gagne, il était très fatigué à ce moment-là et il l’a descendu en une heure. »

Forcément, passer 3è et être en position de réaliser un exploit, ça te porte, non? Il acquiesce en souriant… Quand on essaye de se mettre dans sa posture, on imagine que les spectateurs sont au fait de ce qu’il se passe. Mais ils ont été mis au courant peu de temps avant qu’il termine. L’émotion est bien sûr présente, même si la fin de course dans la nuit n’est pas aussi folle que le départ à 22h la veille. 25h09’58 pour Guillaume. On lui demande comment ça se passe après avoir passé la ligne.

« Après l’arrivée, je vais remercier le public, puis ensuite on est vite sollicité. Moi, je commence à avoir froid. Il y a énormément de fatigue, mais on passe à la TV pour se faire interviewer. Ensuite, j’ai besoin d’aller me reposer… »

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Photo : Timothée Nalet / Peignée Verticale

je suis content de ma performance, au delà de ma place. Car on peut penser qu’un tel et un tel ont abandonné. Mais ça fait partie de la course, on prend des risques. Mon temps, il est à une heure de François d’Haène quand il gagne

On lui demande ensuite s’il a eu des échos de l’engouement sur sa performance, ici en France, et sur les réseaux sociaux.

« Bien sûr, mais un moment après, quand on revient un peu sur terre. Ça fait plaisir, c’est clair ! Et puis, je suis content de ma performance, au delà de ma place. Car on peut penser qu’un tel et un tel ont abandonné. Mais ça fait partie de la course, on prend des risques. Mon temps, il est à une heure de François d’Haène quand il gagne, donc ça valide vraiment ma 3è place. La performance est là. »

Guillaume est quelqu’un de discret, qui fournit beaucoup de travail dans l’ombre pour que ses résultats parlent pour lui. Cependant, nous abordons les réseaux sociaux et la communication. On sait que ça passe par ce biais-là aussi, maintenant.

« Oui, il faut faire le job, mais c’est le jeu quand on a un sponsor. Donc je joue le jeu, je fais au moins une photo quand je fais une sortie en montagne, et je communique. C’est sûr que ça prend du temps. Je donne mes impressions, après les courses, mais je ne suis pas adepte des grands CR. Mon site internet est actif, je met les infos à jour, mais je lie la page d’accueil à ma page Facebook pour les infos régulières. »

Une activité qui vient en plus de l’entraînement, pas forcément naturelle pour tous. Mais le sponsor le demande clairement, c’est un point abordé lors des regroupements.

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On parle un peu de la marque Hoka. Il s’est fait parfaitement aux chaussures après avoir passé 3 ans chez Salomon. Sa foulée était adaptée aux drops faibles des SpeedGoat et autres Mafate Speed, ainsi qu’à leur confort. En course, il a changé une fois de paire, pour s’adapter au terrain et à la fatigue. Quel modèle ? Un protoype.

J’ai toujours été endurant, j’ai toujours fait beaucoup de montagne. Un jour, un copain m’a inscrit sur une course. Je me suis pris au jeu… C’était en 2009. En 2010, je cours le semi-marathon Lourdes-Tarbes en un peu moins d’1h16

Puis, on refait le chemin. Guillaume, l’ancien rugbyman, avait-il toujours été doué pour la course ?

« J’ai toujours été endurant, j’ai toujours fait beaucoup de montagne. Un jour, un copain m’a inscrit sur une course. Je me suis pris au jeu… C’était en 2009. En 2010, je cours le semi-marathon Lourdes-Tarbes en un peu moins d’1h16. En 2011, je fais 3è des France de montagne en espoir, et c’est là que je rentre dans le Team Espoir Salomon. A l’époque, je fais la demande après avoir gagné la Romeufontaine ou le trail de Guerlédan, par exemple. Dans le Team, on se tire la bourre avec Thibaut Baronian, on a le même niveau. Puis au final, ça s’est joué à une place près, en course, pour qu’il rentre dans le Team Elite. C’est ensuite que j’ai des contacts avec Hoka. Aujourd’hui, j’en suis très heureux. La marque et les courses longues m’attiraient. J’ai gardé mon coach, Christophe Malardé, avec qui je suis depuis 4 ans. Tout se passe bien, c’est carré, et je suis coaché par un coureur qui connaît le milieu. »

Aujourd’hui, Guillaume a atteint un sommet dans sa carrière de sportif. On lui demande ce qu’il peut viser maintenant, après une fabuleuse 3è place au Grand Raid de la Réunion !? C’est vrai que c’était une des courses dont il rêvait… L’équipe de France, peut-être un jour…?

« Les France, c’est en juillet. Le problème est qu’il faut adapter toute une saison pour tenter de préparer cet objectif, ce qui nous oblige à en négliger d’autres. Et puis, le format varie chaque année. Je suis bien sur du long. En fait aux mondiaux, il faudrait trois formats de course. 40 km – 80 km et un ultra de plus de 100 km… Ou alors deux format. Un de 60-80 km, et un de 100 à 160 km… »

Du coup, l’an prochain, où pourra-t-on le voir ?

« Le calendrier est en construction. Je communiquerais sur mes courses… Mais normalement, je devrais être sur le prochain UTMB ».

Allez, maintenant, il est temps d’aller se changer, de mettre le bleu Hoka de chauffe pour la séance du jour. Même après une grande performance pour le pyrénéen, papa depuis un peu plus d’un an, la vie continue normalement. Les sollicitations ne sont pas légions. Il a donné le coup d’envoi d’un match de basket de l’élite féminine à Tarbes, l’autre fois. Pas d’autres pistes de sponsoring local, par exemple. Ça compte aussi, au niveau matériel, et moral. Pour le reste, ses partenaires actuels poursuivent l’aventure, et il reste fidèle au Tarbes Pyrénées Athlétisme, avec qui il avait commencé l’année…avec un titre départemental en cross. On lui souhaite une année 2018 avec encore de beaux moments !

Mathieu, Run in Pyrénées

-> Photos du Grand Raid par Peignée Verticale