Le KV – Kilomètre Vertical : une discipline à part (1)

Le KV, une discipline vraiment particulière, que tout le monde n’ose pas tenter, comme on pourrait le faire pour un format course en montagne, un trail, même très long… Et pourtant ça ne fait que monter, non ? 1000 m positifs, beaucoup de personnes les passent en course, en continu ou pas. Tout comme un 800 m sur piste… Mais c’est un effort intense, et la pente se raidit parfois sévèrement.

Nous allons donc vous parler de cette discipline et tenter de la décrypter, avec les interventions d’un passionné, Thomas, dans ce premier article, puis de deux témoignages « exceptionnels » dans un deuxième article ! Restez connectés, ou mieux : abonnez-vous aux nouveaux articles en cliquant sur la colonne de droite « Prêt…feu…partez ! »

 

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Pente forte mais beau décor !
C’est quoi un KV ?

Selon la FFA, le Kilomètre Vertical est : « course de montagne se déroulant sur un dénivelé de 1000 mètres plus ou moins 15%, selon le plus court chemin possible, sur une distance de 5,5 km maximum » (voir article réglementation).

En général, les tracés de KV font entre 2,5 km et 4,5 km de long, même si on en trouve des plus courts. Ils utilisent des pistes ou sentiers déjà existants, ou bien partent droit dans les pâtures. Au besoin, s’il y a trop de végétation, sur des endroits « oubliés », l’organisation passe faire un petit « nettoyage ». Les départs se font de manière échelonnée (toutes les 15 / 20 / 30s) et c’est donc le chrono qui compte. Mais il existe aussi des départs en ligne…

 

ThomasLa gestion de l’effort est un peu différente de l’un à l’autre, d’après moi les coureurs de KV préfèrent le Contre La Montre : tu doubles, tu te fais doubler, tu peux te faire des repères grâce à la liste de départ (tel coureur à 30s devant que j’aimerai rattraper avant tant de D+ par exemple). Sur un départ en ligne, tu connais ta place tout le long de la montée donc tu as tendance à adapter ton effort en fonction des autres coureurs… Les deux sont bien, c’est sympa de pouvoir varier, ça fait deux styles de courses différents, le CLM seul face à soi même font souvent de meilleurs chronos, et le départ en ligne où tu t’observes un peu plus les uns les autres : c’est la « bagarre » !

 

Le vrai KV, c’est bien 1000 m de dénivelé positif. Il y a des portions très raides, de 0 à plus de 60% ! La plupart du temps, entre 15 et 40% de pente. Mais on voit aussi des courses nommées « KV » qui ne font pas les 1000 m : ça peut être 800/900 m, mais pourquoi pas 300/500 m. Ce sont dans ce cas plutôt des courses de côtes ou de montées. Quelques fois, les courses peuvent proposer deux ascensions de 500 m. Dans l’ensemble, il y a toujours cet esprit d’aller dans le raide pour challenger les coureurs…

 

Thomas : Le vrai KV de 1000 m+ est la distance sur laquelle tu as ton chrono référence, comme un coureur sur route a son chrono sur 10km… Tous les formats sont bons à prendre, 500, 2 x 500, 1200, 1500… Au final on cherche toujours la même chose : grimper le plus vite au sommet par le chemin le plus court, et donc le plus raide ! Il existe aussi des doubles KV : 2000m de D+, et même un triple KV à Susa en Italie 3000 m de D+ sur 9,7 km !

 

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Et puis il y a des tracés plus ou moins techniques : sentiers monotraces plutôt stables, ou bien passages glissants avec obstacles, rochers et pierres. Dans ce cas, il faut bien sûr être le plus rapide en haut, mais la valeur du chrono compte moins. Ainsi, les organisations ne proposent pas forcément le même objectif final.

 

Le KV, fait pour tous ?

Par sa raideur, ses images de pente où l’on voit l’inclinaison et les visages durcis des coureurs, le KV fait un peu peur. Ce qui est bizarre, c’est que des coureurs n’hésitent pas à courir des trails longs et des ultras, mais renoncent à courir un KV de 1000 m+ et 2 ou 3 km… pourquoi ?…

Le KV peut être pratiqué par tous (à partir de junior) à condition de s’y être un peu préparé, ce qui semble logique. C’est un peu moins simple que de s’élancer sur un trail de 15 km / 200 m+ en plaine, parce que la pente est sévère et qu’elle met les muscles en tension. Il faut donc se préparer sur des pentes similaires petit à petit, et des durées moindres jusqu’à que l’on soit prêt à passer 1000 m+ d’une traite.

Mais on ne fait que monter, ce qui permet de mieux récupérer, sans la cassure musculaire des descentes provoquées par les contractions excentriques. Il n’y a pas non plus de frayeur et de retenue comme en descente où l’équilibre, le vide et le sentiment de danger paralysent les moins aguerris.

Alors oui, la pente raidit les muscles, les mollets brûlent et le dos est courbé, mais en se préparant, il n’y a rien d’atroce à subir. Quand on l’a dompté, on est même plus vaillant sur les pentes plus faciles, et on peut transférer ces qualités sur les autres courses en montagne.

La plupart du temps, on redescend en téléphérique, ou alors un chemin de retour bien plus aisé est tracé, et on en profite pour débriefer avec les autres coureurs.

 

Succès grandissant, ou pratique encore confidentielle ?

Il semblerait que le calendrier voit apparaître de plus en plus de courses de KV. Pas toujours des KV précis et officiels, mais des courses en montées, des demi-KV également. Souvent, on les place à la veille d’un week-end de trail, ce qui permet aussi aux coureurs volontaires de s’y aligner avant de participer à une des courses du week-end.

En ça, la pratique est en essor, mais les pelotons restent plutôt réduits, entre 40 et 80 coureurs, jusqu’à 120 participants la plupart du temps. Pour les championnats de France 2018, qui avaient lieu à Saint-Lary (65), il y avait 137 participants et 45 en « Open » (résultats).

 

ThomasIl y a quelques nouvelles courses qui voient le jour chaque années, mais les pelotons ne grossissent pas forcément, en revanche le niveau, lui, augmente, on voit de plus en plus de jolis chronos ! Le KV fait sans doute un peu peur aux coureurs débutants et mêmes aux traileurs réguliers…

 

Il faut dire que le contexte du KV ne permet pas d’accueillir en masse et d’animer facilement l’événement. Le départ se fait souvent dans les villages au pied des montagnes. L’arrivée, en hauteur, sur les stations, voir plus haut en pleine montagne. De fait, les spectateurs doivent se déplacer, ce qui complique les choses, et les coureurs sont peu applaudis sur le parcours car la pente le rend difficile d’accès. L’organisation ne prévoit pas toujours d’animation micro, et quand elle le fait, il faut choisir entre le haut et le bas (tout en sachant qu’il faut pouvoir se brancher et transporter le matériel). Difficile d’assumer deux animations en haut et en bas… L’après course, qui plus est, nécessite souvent de se faire en intérieur : là encore, il faut avoir un local en haut (possible en station…) ou redescendre pour tout animer en bas.

Rajoutez-y l’a-priori perçu de la difficulté du KV pour bon nombre de personnes, même si elle est effective, et vous comprenez qu’il est compliqué d’y attirer les foules…

 

Une épreuve pour les montagnards ?

Mais l’essence même de l’activité est-elle d’attirer vraiment beaucoup de monde…? Peut-être pas. Même si les trails ont pris une très grosse ampleur, les montagnards ne sont pas attirés par la foule.

 

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Est-ce pour autant une épreuve faite uniquement pour les montagnards ? Qui sont ces coureurs de KV ?

Des traileurs, bien sûr, des coureurs ou des amateurs de montagne, qui sont assez souvent également des skieurs. Des cyclistes aussi, qui par les qualités transférées du vélo (puissance, positionnement, travail de l’avant pied, musculation…) sont aptes à cet effort. Et les coureurs sur route, avec une bonne VMA et une bonne Vo2 max, peuvent-ils réussir sur le KV…?

 

Thomas : en effet, beaucoup de coureurs de KV sont des montagnards, c’est plus facile de s’entraîner en montagne qu’en bord de mer ou en ville pour cette discipline, puis c’est sans doute ancré dans nos mentalités de faire la montée d’un sommet le plus vite possible ! Mais heureusement il n’y a pas que des montagnards, on voit pas mal de traileurs plus classiques et des cyclistes. Un coureur sur route peut faire un bon coureur de KV à condition qu’il ait suffisamment de puissance et de force dans les jambes, car sur les pentes raides il n’y a plus l’élasticité de la foulée comme sur le plat. Il faut lutter contre la gravité pour grimper vite et donc forcer sur les jambes ! La technique de déplacement a aussi beaucoup d’importance car en KV il faut aussi savoir marcher vite !

 

Les spécificités du KV : entraînement, technique, matériel, type de pente et de sol…

Sur un KV, plus la pente est raide, plus il est difficile de monter en courant, à cause de l’inclinaison de la pente qui nous courbe vers le sol et à cause de la puissance demandée pour conserver ses foulées. On court, à très petites foulées, par petits rebonds et sur l’avant du pied. Mais on marche aussi, beaucoup, en s’appuyant sur les genoux avec les mains pour aider les cuisses. Il faut trouver une cadence, stabiliser ses pulsations, qui peuvent monter très haut si le coureur est assez puissant pour maintenir une haute intensité d’effort.

Bâtons, ou pas ? Bâtons, si on sait les utiliser, et si on a travaillé la musculature du haut du corps qui se trouve extrêmement sollicitée. Pectoraux, bras, trapèzes, dorsaux… Au dernier championnat de France, nous avions le vainqueur, Camille Caparros, avec les bâtons, et le second, Didier Zago, sans (pour appel, chronos en 34/35′ minutes devant, et tracé de 3,5 km / 1000 m+). Il y a une technique et un rythme à travailler, un bras après l’autre, et à coordonner avec les foulées.

L’entraînement se fait comme pour d’autres disciplines : du fractionné, du travail au seuil, quelques footings et séances sur le plat, du renforcement musculaire spécifique et du transfert de qualités avec le vélo ou le ski alpinisme par exemple. On cherche le terrain et les pourcentages de pente pour être au plus proche de ce que l’on retrouvera sur la compétition préparée.

 

Thomas : niveau entraînement, c’est en effet beaucoup de dénivelé et presque uniquement de la pente oui, mais aussi des sorties longues en montagne, des séries de fractionné, courts ou longs, comme les autres coureurs…  Sauf que ça se fait en côte sur des pourcentages de pente plus ou moins élevés, il faut aussi travailler la technique de marche, avec ou sans bâtons, dans les pentes à fort pourcentage. Le vélo est aussi un très bon entraînement (travail au seuil, puissance, endurance de force), l’hiver le travail en ski de randonnée est aussi très bénéfique.

 

En terme de matériel : des bâtons, légers mais solides, qui résisteront aux bras des plus costauds lors des fortes poussées. Les chaussures sont souvent fines et légères, avec un excellent grip, notamment devant, pour que les crampons mordent le sol et qu’il n’y ait aucune déperdition lors de l’appui. Sinon, ça coûte cher en énergie de rpartir à chaque fois…

Les KV les plus rapides ? D’une part, il faut un sol propre, qui dérape le moins possible. Pas trop de cailloux et de racines, si possible… Les plus rapides sont finalement les plus courts, comme celui de Fully (Alpes suisses) 1,9 km, ou celui de la Verticale du Grand Serre (Alpes françaises) 1,8 km (qui est le plus court du monde). Le record du monde masculin a été réalisé à Fully en 2017 par Philip Götsch (28’53) et le record féminin par Axelle Mollaret cette année au Grand Serre (34’36). Il arrive que les organisations travaillent le sol et créent des marches dans la pente pour faciliter l’appui, qui met moins en tension la chaîne postérieure de la jambe.

 

A tous ceux qui ont peur de s’aligner sur un KV

Thomas : je leur dirai simplement qu’il ne faut pas avoir peur ! C’est un effort un peu brutal mais on y prend vite goût, puis quel plaisir quand tu arrives au sommet, que tu as tout donné, de pouvoir profiter un peu du paysage ! En plus l’ambiance y est toujours conviviale : ceux qui descendent encouragent ceux qui finissent de monter, et en redescendant on discute tous ensemble, c’est sympa. D’après moi un KV peut aussi très bien s’intégrer dans un plan d’entraînement pour un traileur ou ultra-traileur, ça fait une belle séance d’intensité et de dénivelé, le tout sans les traumatismes articulaires des descentes !

 

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A faire :

KV d’Issaux, KV du Cagire, KV du Montcalm, KV de Belmaig, KV du Patou Trail, KV passerelles de Monteynard, Verticale du Grand Serre, KV du Mont Blanc, KV des Aravis, KV de Méribel…

Un bon échantillon ICI

 

Prochain article, partie 2, avec les témoignages de deux grands champions !

3 commentaires sur « Le KV – Kilomètre Vertical : une discipline à part (1) »

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